DE L'OPPOSITION « AVER »- TENER »
II n'y a guère de questions, où que l'on regarde, qui ne soient complexes. Mais celles-là, bien souvent, le sont davantage, qui sont réputées simples. Leur simplicité en effet leur a nui. Au lieu qu'elle en ait permis l'analyse, claire et précise, rapide et nue, elle a été cause qu'on ne la fasse pas : pourquoi se donnerait-on la peine de démonter ce qui se propose comme évident et qui se donne pour élémentaire ? Pourquoi s'arrêter à l'examen de ce qu'on connaît bien ? L'idée de « possession », par exemple, quoi de plus familier ? Mais c'est là une simplicité décrétée et non pas établie. Simplicité donc qui dispense qu'on y regarde de plus près. Et dès lors on n'a d'attention qu'à tout autre chose, à ce qui est autour et qui par sa complexité — cette fois tantôt pressentie, tantôt développée — confirme la simplicité qu'on veut indiscutable. Tout un fatras d'éléments extérieurs vient bientôt recouvrir la question en scène. Le problème qu'elle posait tant qu'on ne préjugeait pas de sa simplicité est perdu. On ne l'aperçoit plus. Il a disparu sous le flot des observations connexes et des embarras qu'elles traînent avec elles. Et la solution des uns qui, bien des fois, dépendait de celle de l'autre est devenue introuvable.
On reconnaît là ce qui est arrivé aux verbes avoir et tener. Ils n'ont pas que leur difficulté propre. Ils sont lestés de mille et une considérations que l'on a faites autour d'eux, et qui pis est en les prenant pour base. On ne s'était pas soucié de savoir ce qu'ils sont, mais on en a fait des éléments de comparaison, des êtres remarquables auxquels mesurer tous les autres. Comme il est si fréquent, on analyse sans s'être enquis des pouvoirs et des limites de son instrument. L'idée de « possession » va de soi : en quoi s'en séparent les notions de llevar consigo, tener asido, tener a su disposición, celebrar, procurar, alcanzar, qui, toutes acceptent, paraît-il, de se déclarer sous le même matériel physique, avoir et tener ? C'est une belle question. Les réponses qu'on y fait généralement le sont moins. Et comment en irait-il autrement ? On cherche obscurément à définir et, pour le faire, on prend appui sur l'indéfini. On joue en outre de la commutation, mais sans s'être assuré du bon moyen d'en user, sans s'être éclairé sur ce qu'elle a la vertu d'enseigner. Car on peut bien découvrir que dans telle phrase tener se laisse remplacer par tener a su disposición
